Une publication dans Proceedings of the Royal Society A

Une simple goutte qui tombe dans l'air a une trajectoire aléatoire, et cela détermine la forme des stalagmites



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Une équipe recherche de l’ULiège s’est penchée sur la formation des stalagmites. Une formation bien plus complexe qu’il n’y parait. Pour ce faire, les chercheurs se sont rendus dans plusieurs grottes du sud de la France pour étudier ce phénomène étrange. Cette étude vient de faire l’objet d’une publication dans la revue scientifique Proceedings of the Royal Society A (1).

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es stalactites, stalagmites et autres concrétions décorent les salles de grottes explorées chaque année par des millions de visiteurs. Si ces sculptures élégantes fascinent souvent le grand public, elles sont également d’un grand intérêt pour les scientifiques. En effet, les stalagmites, qui sont le résultat de la lente précipitation du calcaire contenu dans les gouttes d’eaux les impactant (croissance d'environ 1 mm par an), renferment des informations sur l’évolution du climat. Leur composition isotopique – la proportion de chaque variété d'un élément chimique – est d’un grand intérêt pour les chercheurs en Sciences de la Terre puisqu'elle renseigne sur les conditions climatiques et la végétation contemporaines des eaux de pluie qui se sont infiltrées au travers du sous-sol au fil des ans et ont contribué à générer la concrétion. Une coupe verticale d’une stalagmite permet d’ailleurs de révéler sa croissance au fil des ans.

Alors que les modèles physiques existants expliquent bien la croissance verticale des stalagmites, leur extension horizontale - et donc leur forme - reste mal comprise. Pourquoi certaines stalagmites sont-elles cinq fois plus larges que les autres alors qu'elles ne sont pas plus hautes? Une question à laquelle a tenté de répondre une équipe de cherche du Laboratoire de Microfluidique (Unité de recherche A&M / Faculté des Sciences appliquées) de l’Université de Liège qui, avec l’aide d’experts en géologie des grottes, a visité plusieurs grottes du sud de la France (dont l'Aven d'Orgnac, la Salamandre et la Clamouse), connues pour la variété de leurs stalagmites. « Nous avons pu réaliser des mesures sur plus de 60 stalagmites alimentées chacune par une seule stalactite, explique Justine Parmentier, chercheuse au Laboratoire de Microfluidique et première auteure de la publication scientifique. Ces mesures ont révélé que la largeur d’une stalagmite est fortement corrélée à la distance verticale qui la sépare de la stalactite qui l’alimente. Les stalagmites plus larges sont souvent rencontrées dans des salles à haut plafond. Ce qui nous a amené à nous demander si la largeur des stalagmites serait liée à la manière dont les gouttes tombent et les impactent ? »

Pour vérifier cette hypothèse, l'équipe a installé un dispositif technique permettant, grâce à une caméra à très haute cadence, d’enregistrer des milliers d'images par seconde, permettant ainsi de voir la chute et l'impact des gouttes sur le sommet des stalagmites. « Nous avons collectionné plus de 500 vidéos sur 13 stalagmites différentes, reprend Tristan Gilet, directeur du Laboratoire de l’ULiège. À notre grande surprise, nous avons observé que les gouttes impactent la stalagmite à des endroits différents alors qu'elles proviennent de la même stalactite sus-jacente. Cet effet est plus prononcé pour les grosses stalagmites, où le point d'impact peut être dispersé sur la totalité de la surface, sur une distance de plus de 10 cm!»  

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Les gouttes qui forment la base des stalagmites ont une trajectoire aléatoire

Une équipe recherche de l’ULiège s’est penchée sur la formation de la base des stalagmites. Une formation bien plus complexe qu’il n’y parait. Pour ce faire, les chercheurs se sont rendus dans plusieurs grottes du sud de la France pour étudier ce phénomène étrange. Cette étude vient de faire l’objet d’une publication dans la revue scientifique Proceedings of the Royal Society A.

L’analyse des vidéos a donc prouvé que les gouttes ne tombaient pas systématiquement selon une trajectoire verticale rectiligne, mais subissaient des déviations horizontales. L’équipe a, dans un premier temps, pensé que ces déviations pouvaient être dues à des courants d’air induits par la ventilation de la grotte. « Nous avons alors procédé à des tests en laboratoire, dans un espace contrôlé et protégé de tout courant d’air, explique Justine Parmentier, en « lâchant » des gouttes depuis le plafond du labo, nous avons toutefois observé les mêmes comportements que ceux observés dans la grotte. » L’équipe en a alors conclu que les gouttes étaient elles-mêmes responsables de leurs déviations aléatoires. Mais comment ?

DeltaOfZ illustrationL’équipe a fait appel à l’expertise de leurs collègues du Laboratoire Multiphysics & Turbulent Flow Computation ( MTFC / Unité de Recherche A&M / Facultés des Sciences appliquées) afin de mieux comprendre ce phénomène. « Tout objet bougeant rapidement dans un fluide (comme une goutte millimétrique se déplaçant à 7 mètres par seconde) génère dans son sillage une multitude de tourbillons, explique Vincent Terrapon, chercheur au Laboratoire MTFC. Chacun de ces tourbillons, au moment de sa création, exerce une force de portance sur la goutte – dans une direction horizontale aléatoire – ce qui dévie légèrement la goutte de sa trajectoire initiale. » C’est en appliquant ce modèle physique au cas des gouttes qui forment les stalagmites, que les chercheurs ont prouvé que la dispersion d’un point d’impact des gouttes résulte directement de cette démarche aléatoire, induite par les tourbillons du sillage au moment de la chute. Plus les gouttes tombent de haut, plus elle dévient d’une trajectoire verticale et plus elles se dispersent, ce qui, in fine, détermine la largeur de la stalagmite.

Équipe de recherches

Chercheurs ULiège : Justine Parmentier, Sophie Lejeune et Tristan Gilet (Microfluidics Lab) Vincent Terrapon (MTFC)

Experts en géologie des grottes : Dominique Genty (EPOC, U. Bordeaux), François Bourges (Géologie-Environnement-Conseil, St. Girons) et Jean-Christophe Maréchal (BRGM, U. Montpellier)

Référence scientifique

(1) Parmentier, S. Lejeune, M. Maréchal, F. Bourges, D. Genty, V. Terrapon, J.-C. Maréchal and T. Gilet, A drop does not fall in a straight line: a rationale for the width of stalagmites, Proceedings of the Royal Society A, 20 Nov. 2019

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